Dans sa dernière livraison du mois d’avril, la Recma, revue internationale de l’économie sociale, propose un article très éclairant sur une étude menée autour de l’évolution d’un certain nombre d’associations où la professionnalisation se conjugue avec la mise en œuvre d’une politique RH. A l’origine de cette tendance pour les employeurs associatifs : l’augmentation des effectifs, mais aussi, des choix stratégiques, la volonté de « répondre aux attentes des pouvoirs publics et des financeurs », etc., avec le risque d’un « déclin des aspirations militantes ». Décryptage.

Le cadre de l’étude

L’étude a été réalisée par Patrick Valéau, maître de conférences HDR.IAE de la Réunion en collaboration avec la chambre d’économie sociale et solidaire. 1 500 associations de plus de un salarié ont été ciblées, 140 ont répondu et parmi elles, 25% comptait de 1 à 2 salariés, 40% de 3 à 10,17% de 11 à 20 et 18% de 21 et plus. Les secteurs représentés : 28% dans l’éducation, 27% dans le social, 14% dans le sport, 12% dans la culture, 10% dans les loisirs et 9% dans la santé.

Le questionnaire et ses thématiques

La première partie recouvrait des questions autour des activités, des effectifs, et qui était impliqué dans le gestion des ressources humaines, la deuxième, la définition des besoins, la gestion des emplois et des compétences, les fiches de postes, la troisième portait précisément sur les RH, les recrutements, les licenciements et la formation, ainsi que les rémunérations et les primes. Dans la dernière partie, les questions abordaient « le thème des valeurs, notamment les oppositions entre libertés et directivité, entre égalité et hiérarchie, le partage des objectifs et des valeurs ». D’une manière générale, cette étude reposait sur une approche qualitative avec des questions « qui relevaient davantage de opinions et des ressentis ». Parmi les questions posées, on notera par exemple : « Souhaitez-vous que vos salariés adhèrent aux buts et aux valeurs de votre association ? » ; « dans les réunions, vos salariés peuvent-ils émettre des opinions opposées à celles de la direction ? ».

L’introduction de la fonction RH peut modifier la hiérarchie des valeurs

Que dit l’enquête ? La création d’un poste de directeur et d’un DRH est liée à la taille de l’association. Si, les structures de deux à vingt salariés sont « très partagées » sur le recrutement d’un directeur, 25 % des associations, qui comptent plus de vingt salariés, ont un directeur. Ce dernier, contribuant à diminuer l’action du président dans le domaine de la gestion. Si le nombre de salariés ne semble pas « avoir d’effet directs sur les valeurs associatives, les valeurs apparaissent liées à la professionnalisation des dirigeants et aux pratiques qu’ils introduisent ».

« Le temps du président est marqué par le bénévolat, l’informel, et l’égalité entre les membres, celui du directeur introduit des notions plus managériales d’expression, d’initiative et de compétences mesurées en termes de diplômes ». Au lieu de l’expertise, l’égalité comme principe, « la GPEC réduit l’informel communautaire », en lui substituant « une hiérarchie fondée sur les diplômes qui font des RH un moyen ». C’est surtout l’évaluation qui est à l’origine d’une remise en cause des valeurs associatives avec « en contrepartie davantage de possibilités d’expression ».

Suivre des formations spécifiques

Si la recherche effectuée par Patrick Valéau et la chambre d’économie sociale et solidaire de la Réunion « reste exploratoire », l’article conclut que « le dilemme entre professionnalisation de la GRH et valeurs communautaires constitue une caractéristique fondamentale de la gestion des associations » ; et plaide pour que les directeurs et les DRH des associations se forment aux spécificités associatives à travers les nombreux cursus existants – le besoin serait de 27 000 diplômés par an – ou que les IAE (Institut d’administration des entreprises) et les écoles de commerce introduisent dans leur programme des modules d’initiation à la gestion des associations.

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Pour plus d’information :

Retrouvez l’article « La fonction RH dans les associations, les valeurs militantes à l’épreuve de la professionnalisation » dans la revue Recma du mois d’avril, sur www.recma.org